21 septembre 2006

Les surnoms

Qu’est ce qui fait qu’un surnom fonctionne ? Que tout le monde se mette à l’adopter, sans se poser de questions, à en oublier le vrai prénom ? On pourrait poser la questions aux spécialistes des slogans, du coté des publicitaires (et non les publicistes, qui, eux, travaillent uniquement chez Publicis) ou bien chez Raffarin, qui a un si célèbre sens de la formule, souvenez-vous des « la pente est rude, mais la route est droite », ou bien « il faut dire non au non et oui au oui ».

Dans le très chic quartier du 8ème arrondissement où j’effectue l’essentielle de mon activité salarié, je croise tous les jours un sans abri, qui a élu domicile sur le seuil de l’entrée de l’immeuble de mon employeur. Il est arrivé là avec l’été et il occupe ses journées à quémander un peu de monnaie aux passants, à regarder les oiseaux, à entretenir des conversations avec son reflet dans la glace ou à finir les invendues des sandwicheries alentours en étalant les emballages sur les deux roues stationnées devant l’entrée.

En fait, personne ne connaît son nom, mais j’ai décidé de l’appeler Norbert. Il y a plusieurs années, j’ai passé des vacances en Ariège avec moult amis. Il y avait là-bas un homme sans age, qui devait être né en même temps que la montagne, et qui vivait comme les hommes des temps anciens. Il cultivait ses légumes lui même, sûrement féru des soupes de carottes pleines de terre, et élevait ses propres lapins, qu’il engraissait, tuait, et mangeait. Sauf quand l’un de ces lapins lui devenait trop sympathique, il lui donnait un prénom, et s’y attachait avec force, comme une tique dans les fesses d’un obèse.

Il s’appelait vraiment Norbert, lui ; sa barbe foisonnant, sa crasse fièrement abhorrée sur tout son visage et sa propension à privilégier le short par toute saison me rappellent ce sans abris, qui a su s’attirer la sympathie de tout l’immeuble. Du coup, on l’appelle tous Norbert, le surnom a bien pris. La compta, du 2ème étage, s’enorgueillit de lui donner de temps en temps les plateaux repas en trop. Le service international, du 4ème, lui a déjà donné des feuilles de papier, sans que, nous, au 1er étage, on n’ait vraiment compris pourquoi…

C’est que Norbert, il est sympathique, il nous ouvre et tient la porte, nous salue, nous souhaite bon appétit quand nous partons déjeuner. J’ai vaguement tenté de changer son surnom en Spirou, un groom plein de zèle, mais non, tout l’immeuble s’y est refusé, il ne faut pas se montrer trop humiliant pour autrui m’a-t-on fait comprendre, comme si je n’avais jamais assisté à une séance de catéchisme.

Alors que penseraient les experts ès slogans de cette situation ? En fait, la vraie question est plutôt pourquoi personne n’ose lui demander personnellement son vrai prénom, de peur qu’on fait il s’appelle Louis, ou Jean, ce qui le rendrait moins mystérieux…ou tout simplement plus humain, plus proche de nous et sa misère en serait sûrement moins supportable à nos yeux de cadres privilégiés…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est bien de vous, Monsieur Type, de poser une question, de n'y point répondre, si ce n'est en ajoutant une seconde question à la première...

Anonyme a dit…

Peut etre il s'appelle Gontran en fait tu sais.

Sur ce sujet je joue à deux jeux :

1/ Donner des petits noms aux objets qui m'entourent, mon bonsai de marque ficus s'appelle Bob, et le defunt tournesol qui poussait avec grâce sur la fenetre s'appelait tourni (original pour un tournesol non ?).
2/ Reperer des personnes ayant un vague air de ressemblance avec une personne connue et la surnomer ainsi, c'est ainsi qu'au travail nous avons vu défiler en quelques années, Philippe Gildas, Jules Edouard Moustic et Magnum. Mais tout cela est presque déjà une autre histoire...

Anonyme a dit…

D'un autre coté, en ne demandant pas son prénom à ce monsieur, vous passez peut être à coté de qlq chose de fort (ou de précieux comme on aime bien le dire dans un post plus bas, beau comme un article "société" de Marie Claire Psycho). Peut être qu'il porte un prénom bien rigolo, genre Keuhl ou un truc avec un "o" barré et un "ü" comme un viking ou un meuble ikea. Ou même un prénom sans voyelle, qu'on éternue plus qu'on ne le prononce.